Mar 10 Ago 2010
La politique culturelle en toutes lettres. Altro che periferia = centro
Posted by Antonio Picariello under arte/teatroNo Comments
L’imbroglio continua
Â
a proposito di quello che definisco come il bluff della cosiddetta “casa della culturaâ€.
Della voce inascoltata del cittadino-suddito costretto a subire sulla sua pelle le insensatezze di una non-arte lontana e inattingibile:
Che non fa, anzi,disfa e nello stesso tempo semina sul territorio erbacce mai raccolte. Â
La casa della cultura è un mondo incomunicabile, con conflitti interiori, si può definire come una casa dell’ “autorazzismo dell’arteâ€.
Mario Serra
http://www.monde-diplomatique.fr/publications/grandsreportages/
La politique culturelle en toutes lettres
Le 15 juillet, à l’appel de plusieurs syndicats de professionnels du spectacle vivant, une manifestation d’un millier de personnes a regroupé artistes, techniciens, directeurs de salle, spectateurs et élus, place du Palais des Papes, à Avignon. Dans le prolongement de trois mobilisations antérieures, cette manifestation témoignait d’une inquiétude qui touche l’ensemble des acteurs du champ culturel. Mais, au-delà de la diminution programmée des budgets, c’est sans doute la définition nouvelle du rôle de l’art et de la culture qui suscite le refus. D’autant que cette inflexion promue sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy ne cherche pas à se dissimuler : elle se donne à lire en toutes lettres.
Tout commence par une lettre de mission de douze pages datée du 7 juillet 2007 et adressée par le nouveau chef de l’Etat à sa ministre de la culture d’alors, Christine Albanel. « Vous mettrez en Å“uvre l’objectif de démocratisation culturelle voulue par Malraux… » ; « Vous ferez de l’éducation artistique une priorité… » ; « Vous veillerez à ce que tous les enfants fassent de l’art… » ; « Vous créerez un “pass-cultureâ€â€¦Â » ; « Vous exigerez que chaque structure subventionnée rende compte de la popularité de ses interventions… » ; « Vous nous proposerez des mesures d’accompagnement à la transition des industries culturelles… » ; « Vous prendrez les dispositions nécessaires pour sortir la presse de la crise… » ; « Vous étudierez le projet d’un ambitieux mémorial de la France libre… » ; « Vous nous proposerez une remise à plat des dispositions législatives qui s’appliquent à l’audiovisuel… » ; « Vous lutterez contre les abus du régime d’indemnisation du chômage des artistes… » ; « Vous dégagerez des marges de manÅ“uvres accrues…… Vous nous proposerez des indicateurs de résultats… » ; « Vous… ».
Cette pratique de l’injonction présidentielle consignée par écrit est une première sous la Vème République des « affaires culturelles ». Depuis Malraux, c’est le verbe qui commandait et, comme l’a jadis raconté Emile Biasini, « le ministère s’était habitué à administrer la culture avec de l’éloquence, beaucoup d’imagination et trois francs six sous » (1). Il a fallu l’élection de François Mitterrand en 1981 et la nomination de Jack Lang à la tête du ministère de la culture pour que les déclarations d’intentions trouvent en sus du lyrisme de circonstance une plus consistante matérialisation budgétaire.
La rhétorique politique de Nicolas Sarkozy en matière d’art et de culture prend le contre-pied des usages. Elle évacue le lyrisme pour le remplacer par des arguments, des chiffres et des statistiques. L’objet de ses discours contribue à déconstruire habilement le mythe de la culture, tout en concourant à « décomplexer » intellectuellement une droite populiste qui veut en découdre avec les élites. Dans le même temps, le fameux « objectif de démocratisation culturelle » présidentiel, si ardemment souhaité, se trouve perverti par l’effet conjugué des obligations de résultats qu’induisent le contrôle de plus en plus sournois de la dépense publique (en particulier depuis la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques) et par le consensus politique entourant désormais le critère de succès d’une œuvre. Seuls comptent désormais la « fréquentation » des salles et le « nombre d’entrées », la question de l’« offre » artistique étant, dans les faits, devenue secondaire.
Ce procédé, implicitement encouragé par les élus locaux de la République toutes étiquettes confondues, permet au président de réduire la politique culturelle à un catalogue de mesures quantitatives. Mais il prend soin de conserver le bénéfice du prestige que les monarques d’antan tiraient de leur proximité avec les artistes : « Je revendique et assume mon statut de protecteur des arts et de défenseur de la culture » (2). Ce faisant, le chef de l’Etat prend publiquement le risque de se contredire, puisque cette posture n’a de sens que si le mythe en question continue d’être entretenu, ce qui n’est plus le cas. Si, comme il le martèle, « la démocratie culturelle est un échec » — constat par ailleurs partagé par bon nombre d’observateurs (3) de droite comme de gauche —, comment « le défenseur de la culture » peut-il affirmer qu’il entend opérer une « refondation » s’il dénie aux institutions culturelles publiques la capacité à faire leur métier, c’est-à -dire programmer aussi des œuvres exigeantes et risquées en terme de fréquentation ?
Mais pour celui qui considère « le Tour de France cycliste comme de la culture » (4), et avoue avoir été farouchement rebuté par la lecture de la « Princesse de Clèves », parler d’art et de création est d’abord un prétexte pour occuper le terrain idéologique laissé en jachère par la gauche. « Nous devons vaincre la pensée unique, le sectarisme, les sectes (sic) qui voudraient vous inscrire tous dans des petits milieux alors que la culture doit rayonner pour tous ». Pour la première fois un président de la République prend à témoin l’opinion et sa majorité politique, pour leur démontrer, diagnostic en main, qu’il va réussir « avec » les artistes et la profession, là où tous ses prédécesseurs ont échoué. Certains à gauche ont failli y croire. Mais les André Glucksmann, Max Gallo ou Pascal Bruckner, intellectuels ralliés, sont hors jeu ou ont pris leurs distances. Aucun d’entre eux n’est associé à la confection des discours ni à l’ambition culturelle présidentielle.
A trois reprises et dans des contextes volontairement solennels (5), Nicolas Sarkozy cultive l’autosatisfaction récurrente de celui qui, « sans complexe », dénonce l’« immobilisme » et fustige les « privilégiés ». Cela lui permet, remarque le linguiste Pierre Encrevé, de distiller « un vocabulaire de show-biz » qui l’autorise, avec malice, à associer l’art et le divertissement dans le même paradigme : « la soif de culture n’a jamais été aussi forte, le besoin de repères, d’évasion et de plaisir aussi », affirme le chef de l’Etat dans son discours du 7 janvier 2010 à l’endroit du « monde de la culture ».
L’ami de Martin Bouygues et d’Arnaud Lagardère sait en effet tout le parti qu’il peut tirer de la mise en œuvre d’une politique culturelle industrielle qui, selon lui, est la seule capable de « permettre à tous d’accéder à la culture ». Dès lors, retransmission, jeux vidéo, numérisation, TNT, écran ou piratage, musique en ligne, sont devenus des mots-étendards, constituant l’essentiel du glossaire culturel présidentiel. Martelée à longueur de discours, cette terminologie contribue non seulement à « ringardiser » la culture, mais à la « désidéologiser ». Plus rien dans ces propos ne distingue désormais la culture de la communication, c’est-à -dire le contenu du contenant. La grammaire de la politique culturelle publique n’est, aujourd’hui, rien d’autre qu’un agencement de mots, de règles et de principes qu’inspire la fascination exercée par l’innovation technologique à l’endroit d’un public globalement acquis au consumérisme culturel de masse, à l’exemple du film Avatar de James Cameron, où la performance technique et artistique se confond médiatiquement avec la prouesse commerciale. Les prévisions d’Hannah Arendt étaient justes : « Nous serons bientôt, écrivait-elle en 1961, dans une société qui monopolisera la culture pour ses fins propres, pour l’échange marchand de l’industrie des loisirs ». Fort de ce constat, le chef de l’Etat avait décidé en pleine campagne électorale présidentielle d’afficher un nouveau credo : « Faire de la culture une réponse à la crise ». Nous y voilà . En termes plus prosaïques, il s’agit ni plus ni moins de profiter de l’insécurité économique générale et de l’essor d’Internet pour se dégager des habitudes budgétivores des institutions culturelles.
Désormais, l’activité artistique et son patrimoine seront exploités à des fins numériques dans le seul dessein d’en faire profit. C’est le sens des effets d’annonce multisectoriels qui ponctuent ses propos depuis plus de deux ans : « captations de spectacle » pour relancer l’éducation artistique ; « cartes musique sur Internet » pour les jeunes ; numérisation des fonds des bibliothèques mais aussi des films, loi Hadopi, baisse de la TVA pour le livre numérique… Tout permet, malgré les déclarations de bonnes intentions sur le spectacle vivant, la lutte contre le piratage ou les vertus (discutables) de la gratuité dans les musées, de comprendre que les finalités ultimes de la nouvelle politique culturelle sont de privilégier la culture de l’image sur celle de l’écrit. Et, par extension commerciale, celle de l’écran sur celle de la scène. Puisque le nouveau pouvoir culturel appartient désormais aux opérateurs téléphoniques, à Google, Apple et quelques majors américaines (Universal, Sony, EMI…), l’Etat va se donner le beau rôle d’avoir à arbitrer sans avoir à financer. C’est ainsi qu’à coup de sponsoring, lobbying, et rapports publics commandités à leurs cadres dirigeants, ces industries du futur se sont mises à occuper l’espace politique pour servir leurs intérêts.
Par un de ces artifices sémantiques dont Nicolas Sarkozy a le secret, voilà le numérique convoqué pour opérer sa « révolution culturelle », c’est-à -dire , comme il le dit lui-même avec aplomb, « effacer les frontières entre les genres et les registres » et restaurer « tous nos patrimoines immatériels : livres, films de cinéma, programmes audiovisuels, archives de presse, collections ethno musicales, objet d’art »… Ne s’est-il pas, avec une surprenante naïveté, publiquement étonné que « personne n’ait eu l’idée de filmer l’expo Picasso afin que les 2 500 lycées de France puissent avoir accès à ses œuvres » ? Il aura eu le même réflexe au sujet de l’opéra quelques semaines plus tôt. De même, quand il se félicite de l’excellente santé de la fréquentation cinématographique, le président de la République se garde bien de parler du film français (puisque ce sont pour l’essentiel les blockbusters américains qui font les recettes), mais insiste sur les bénéfices à tirer « du numérique et du relief ». « Cette politique est une autoroute sans péage affectée au libéralisme culturel et en premier lieu à ses amis Bouygues et Lagardère » résume très bien Antoine de Baecque, auteur de l’ouvrage Crise dans la culture française (Bayard, 2009).
Finis, l’utopie du partage, le rêve humaniste et la pensée critique. L’heure est au réalisme technoculturel, à la conversion des « belles âmes » au vertueux paradigme de l’image et du son et, dans la foulée, à l’utilisation du « public » contre les « intellos » : pour terrasser l’humanisme béat d’une gauche conservatrice arc-boutée sur une idéologie de l’action culturelle qui, selon lui, est caduque. Le signal est lancé par un décret du 15 novembre 2009. Il est à cet égard sans appel : « la référence au directeur des médias et au directeur du livre est remplacée par la référence au directeur général des médias et des industries culturelles ». Des intitulés « révolutionnaires » qui échappent au langage artistique et littéraire commun. Tout un symbole… Le nouvel organigramme du ministère de la culture, officialisé le 13 janvier dernier, le confirme : la direction du livre est supprimée. Une décision relevant entièrement de l’Elysée.
Le prédécesseur de l’actuel chef de l’Etat avait eu dans ce domaine plus de retenue : en affichant sa discrétion à l’égard des affaires culturelles, Jacques Chirac avouait en même temps sa franche indifférence. Il s’est d’ailleurs contenté de réaliser en catimini son Musée du Quai Branly exactement de la même manière que Georges Pompidou, son mentor, l’avait fait vint-cinq ans plus tôt pour le Centre Beaubourg. Les deux néogaullistes de la Vème République (comme d’ailleurs le socialiste François Mitterrand) avaient en effet très tôt compris que la politique culturelle française fondait sa légitimité sur une conception monarchique du « rayonnement national » et qu’à ce titre il valait mieux, République oblige, jouer petit dans la cour des grands. C’est-à -dire laisser une trace, et pour le reste laisser faire. Ce qui fut fait. Mais Nicolas Sarkozy a pour sa part, et malgré les apparences, décidé de ne rien laisser faire. En donnant lui-même le « la » d’ « une politique culturelle aussi radicalement libérale » – pour citer François le Pillouer, patron du Syndéac –, il prend de vitesse une intelligentsia culturelle beaucoup trop composite, corporatiste et atomisée pour faire bloc et résister. Mieux, il espère s’assurer sa neutralité en installant un Conseil National de la création artistique (6), sorte de contre-ministère qu’il préside lui-même, et auquel il demande expressément « de bousculer l’ordre établi »…
Aujourd’hui ceux qui, auprès du chef de l’Etat ou du ministre Frédéric Mitterrand, ont en charge les questions culturelles, sont pour l’essentiel des technocrates, certes compétents, mais habités par une frénésie législative, réglementaire et budgétaire qui ressemble à une fuite en avant désespérée contre le vide de sens. Tout cet artifice médiatique et sémantique tranche dangereusement avec l’idée que certains pouvaient encore se faire d’une politique culturelle de proximité, imaginative, inventive et – puisque ce mot revient comme une supplique républicaine – fraternelle. Si ce n’est pas la fin d’une époque, cela lui ressemble.
Jean-Michel Djian
Journaliste, directeur du Master coopération artistique internationale à l’université Paris 8. Auteur de Politique culturelle, la fin d’un mythe, Gallimard, Paris, 2007, et de Aux arts citoyens !, Homnisphères, Paris, 2008.
(1) Emile Biasini, ancien conseiller d’André Malraux et secrétaire d’Etat aux Grands Travaux de François Mitterrand, dans « Culture, une affaire d’Etat », documentaire réalisé par Jean-Michel Djian et Joël Calmettes, France 5, 2003.
(2) Vœux « au monde de la culture » du président de la République, le 7 janvier 2010 à la Cité de la Musique.
(3) « les pratiques culturelles des Français » : cinq rapports rédigés sous l’autorité d’Olivier Donnat, du département des études et de la prospective du Ministère de la culture (1977, 1981, 1988, 1997, 2008), qui analysent la portée « toute relative » des politiques culturelles volontaristes à l’endroit des publics qui en sont exclus.
(4) Propos tenus lors du Conseil des ministres du 1er juillet 2009 et rapportés par Le Canard Enchainé du 22 juillet 2009, repris et confirmés par le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand.
(5) Installation du Conseil de la création artistique à Paris, le 2 février 2009 ; Vœux du 15 janvier 2009 présentés au Carré d’Art de Nîmes ; à la Cité de la Musique de Paris, le 7 janvier 2010.
(6) Présidé par le patron des salles de cinéma MK2, Marin Karmitz, cet organe regroupe onze personnalités nommées, sur proposition du ministre de la culture, par le chef de l’Etat (décret du 30 septembre 2009).
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.